Je sautai sur le quai, pressée de retrouver la chaleur de mon cocon, les mains enfoncées dans les poches de ma veste, mouillée par une pluie cinglante que les quarante minutes de métro n'avaient réussi à me faire oublier. Me faufilant entre les différentes démarches, je l'aperçus, assis sur la dernière marche des trente-six qui mènent aux portes automatiques. L'homme au blouson vert et aux cheveux gris est là, à cet endroit inouï. Etonnant. L'homme a quitté son virage des courants d'air. Si je ne l'avais vu, déjà, assis dans ces couloirs humides, je ne devinerais pas qui il est. Il m'a vue lui aussi. Ma casquette vissée sur la tête. Le pas rythmé. Chacun d'entre nous sait déjà qu'il y aura ce sourire tendre. Il l'attend. C'est tout ce que je peux lui offrir. Il sent que c'est ce dont il a le plus besoin. Un bonjour ou un bonsoir, selon l'heure de la rencontre, et un sourire accompagné d'un regard droit disant vous existez, je ne ferai pas semblant de ne pas vous voir. J'aperçois sa veste verte qui, semaine après semaine, imperceptiblement, se recouvre de gris. Ses cheveux s'allongent et sa barbe remplit désormais des joues qui se creusent. Dernière marche. Bonsoir. Sourire. Ça va Gavroche ? ou bien Salut Gavroche ! L'homme vient de me parler. Je suis tellement surprise d'entendre sa voix pour la première fois, que j'en oublie instantanément ses mots. Il me regarde de ses yeux fatigués et sourit. Mon sourire se transforme en rire bref. Je me retourne vers lui et m'engouffre dans la nuit, son regard d'enfant imprimé dans mes pensées. Déjà le texte s'écrit.