Pendant deux minutes et cinquante-sept secondes, on est comme un voyeur caché derrière une porte fendue. C'est la musique qui nous a attirés là, une mélodie venant de loin, d'une brume d'océan nordique. De l'autre côté de la porte, une jeune femme est au piano. Elle est nue, proche, à portée de main. Chevelure brune un peu sauvage, un dos galbé et fin, quelques grains de beauté. Ses bras bougent à peine alors que, devant, les mains coulent sur le clavier avec assurance. Elle est tout à sa mélodie et celle-ci grandit, s'élargit, envahit l'espace. Magnifique troisième Gnossienne d'Erik Satie. Il y a peut-être un courant d'air dans la chambre car au gré des ralentis propres à Satie, la jeune femme enfile prestement un pull rouge, l'enlève, le remet... Jusqu'à la dernière note, posée comme une question, il ne se passe rien de plus. Pourtant ce film est riche d'images et d'histoire, son empreinte demeure, on ne l'oublie pas.

Gemma Salem